Un atelier miso en VO

Par Brigitte Perrin

Originaire de Kobe, la famille Hirai pose ses valises à Tours en 2004. Après six de professorat au lycée japonais de Saint-Cyr-sur-Loire, Takayoshi décide soudainement de changer de vie. Dans un ancien corps de ferme entièrement retapé par ses soins, cet amoureux des produits bio se met à cultiver ses légumes, à produire son miel, utilisant le bois comme énergie de chauffage. Il créé alors Sanga pour distribuer ses produits maison, dont le miso, véritable pilier de la cuisine japonaise … 

En ce dimanche d’automne, dix participants sont inscrits (un seul homme !). Pianistes parisiennes, traductrice de Valenciennes, serveuse, salariée de la Coop Nature de Tours… Elles viennent ici pour cultiver l’art du manger sain. Le lieu n’est pas facile à trouver et nous devons attendre quelques retardataires perdus dans la vallée de l’Indre. Pendant ce temps, Akiko, la femme de Takayoshi, nous propose du thé et des gâteaux dans une grande salle à la structure de bois. L’endroit est chaleureux, le style japonais, l’esprit zen. Taka, comme il se présente, raconte qu’en 2010, lorsqu’il commence à vendre ses produits au marché bio de Tours, pratiquement personne ne sait quoi en faire. Motivé par le désir de faire voyager les Tourangeaux, il tient bon et développe son activité avec un service traiteur et chef à domicile et des ateliers de cuisine. A voir les participants (une seule Française), j’ai l’impression que le miso reste une affaire de Japonais ! D’ailleurs, je comprends vite que l’atelier va se dérouler en version originale… ! Heureusement, ma voisine me glisse à l’oreille qu’elle est traductrice et que je peux compter sur elle. Pour l’heure, tout le monde se lève pour rejoindre l’atelier de production (en fait une petite salle de 20 m2 largement éclairée par de grandes baies vitrées). Avant de démarrer, Taka nous demande d’enfiler tablier et bandeau pour cheveux et de nous laver les mains…

Une fabrication selon
la tradition

Le procédé de fabrication du miso n’est pas de tout repos. Le savoir-faire va bien au-delà des ingrédients et de la recette, il faut de l’expérience. C’est un produit vivant, il faut sélectionner les bonnes matières premières, surveiller la fermentation, vérifier la température, se fier à son odorat… Taka, comme le veut la tradition, fabrique son miso en hiver pour permettre à la fermentation de démarrer doucement, quand les températures sont basses. Il explique que chaque étape du processus de fabrication, que ce soit dans la production ou la maturation, aboutit à des résultats très différents. Cette année, il a produit six variétés de miso (voir encadré). Sa règle numéro un : des matières premières bio. Ensuite, comme pour nos vins ou fromages, l’étape de maturation est essentielle. L’environnement microbien et la température jouent un rôle important et donnent au miso son goût, plus ou moins salé, plus ou moins prononcé, et sa couleur, la palette allant du beige clair au brun foncé. Bien entendu, plus le miso est vieux, plus il a du goût. 

Côté recette, rien de compliqué, il suffit de mélanger du koji (grains de riz inoculés avec un champignon, l’aspergillus oryzae), du sel et une pâte de soja cuit puis de laisser fermenter entre 6 mois et 2 ans (voir recette). 

Pour l’atelier, Taka a déjà préparé le koji, les grains de riz et le champignon devant fermenter 5 jours à l’air libre dans une salle chauffée entre 30 et 40 degrés. La première étape de l’atelier consiste donc à mélanger le koji et le sel, en frottant bien les grains les uns contre les autres pour les détacher. Dans un récipient à part, on écrase les haricots de soja préalablement cuits jusqu’à obtenir une pâte homogène. Avant de passer à la dernière étape, on doit laisser tiédir la pâte de soja (elle doit être de 40 degrés)...

Du miso pour les rescapés
de Fukushima

Assez spontanément, un débat autour des différents types de miso est lancé. Ma traductrice attitrée m’apprend qu’au Japon, chaque région a sa recette, où proportions et temps de fermentation diffèrent. On dit qu’à l'Est on préfère le miso rouge (salé). Et à l'Ouest le miso blanc (sucré). Taka a beau être originaire de Kobe, il a un fort penchant pour le plus foncé (rouge fermenté 2 ans), qu’il cuisine avec la viande rouge et les poissons gras comme le maquereau ou la sardine. Ou dans le morokyu, du concombre accompagné d'un moromi miso (koji non mixé qui contient encore quelques grains). Il utilise aussi souvent l’awase miso, un mélange de miso fermenté 1 an et de miso fermenté 3 ans (qui n'a pas le même goût qu’un miso 2 ans). 

Avant de repartir dans la salle de production, je demande à mes voisines de table la raison de leur présence. Aya, qui faisait son propre miso au Japon, souhaite comprendre pourquoi le miso blanc qu’elle fabrique depuis qu’elle est installée à Levallois (Hauts-de-Seine) produit autant de moisissures. En outre, elle aimerait apprendre à bien cuire le soja, différent de celui qu’elle utilise au Japon. Yuko, elle, n’a pas fabriqué de miso maison depuis 5 ans, et voudrait renouer avec les techniques ancestrales. Elle reste jusqu’au lendemain pour apprendre à fabriquer le moût d’amorçage (atelier koji). Son intérêt pour le miso ne s’arrête pas à son bien-être personnel. Elle en donne aussi aux enfants rescapés de Fukushima qu’elle accueille via une association. Car selon plusieurs études scientifiques, le miso favoriserait l’élimination des particules radioactives. 

Dernière étape avant
(longue) fermentation

La pâte de soja a refroidi, on peut désormais intégrer le koji. Pour éviter que ça colle, Taka met des gants en plastique fin à disposition. Et c’est parti ! On malaxe la pâte jusqu’à ce qu’elle durcisse. Cela demande un peu d’effort, il faut se concentrer sur sa mixture. Content du petit effet qu’il va produire, Taka sort un mixeur électrique caché derrière son dos. Deux participantes s’emparent de la modernité avec soulagement. Au bout de 20 mn, c’est l’heure du transvasement. On jette la pâte dans un récipient propre pour enlever l'air. On se croirait dans une cour d’école, chacun tentant de lancer le plus fort possible ses petites boules de pâte. Dernière opération : nettoyer parfaitement les bords intérieurs et extérieurs du récipient et recouvrir la pâte avec du film alimentaire. Une fois le film posé, on appuie avec un chiffon pour bien enlever l'air. La dernière étape consiste à fermer le récipient avec un couvercle hermétique. Le miso doit être conservé à l’abri de la lumière… pendant six mois minimum ! Je calcule que le mien sera prêt vers la mi-2016 mais Taka me glisse qu’il sera bien meilleur en 2018 ! Il est vrai que la patience est sans doute l’une des grandes vertus japonaises…

La recette du miso rouge
(11% de sel) étape par étape :

Ingrédients :

❚ 666 g de soja sec

❚ 830 g de koji

❚ 266 g de sel

Tremper des haricots de soja dans l'eau pendant 24 heures. Enlever la mousse qui se forme sur le dessus au fur et à mesure.

Faire cuire le soja à la cocotte minute pendant environ 2 heures 

Ecraser bien les sojas à l’aide d’un presse purée jusqu’à obtenir une pâte homogène

Dans un autre récipient, décoller les grains de koji en les frottant entre les mains

• Mélanger le koji et le sel et frotter à nouveau entre les mains

Ajouter le mélange koji + sel à la pâte de soja tiède (40 degrés)

Malaxer jusqu’à ce que la pâte durcisse

Transvaser la pâte obtenue dans un récipient rond en la lançant par petits paquets pour évacuer l’air. 

Nettoyer parfaitement les bords intérieurs et extérieurs du récipient et recouvrir le miso d’un film alimentaire.

Appuyer avec un chiffon sur le film pour bien enlever l'air et fermer avec un couvercle hermétique (la fermentation s’effectue sans oxygène).

Entreposer le miso à température ambiante à l’abri de la lumière entre 6 mois et 2 ans.

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