Quand le saumon (re) devient un produit de luxe

On le sait, ce sont les Norvégiens qui sont à l’origine des techniques permettant d’élever le saumon. L’entreprise Marine Harvest, présente dans 70 pays, est depuis plus de trente ans le N°1 mondial de la production de saumon exportant son savoir-faire en Ecosse et en Irlande. 

Alors que le saumon produit en Norvège est majoritairement un produit de grande consommation, Marine Harvest a fait de gros investissements en Irlande où les eaux, traversées de courants et soumis à de fortes marées, favorisent un élevage proche des conditions de vie naturelles du saumon. Le saumon qu’on y produit est considéré par les connaisseurs comme l’un des meilleurs du monde.

A l’invitation du gouvernement irlandais, Wasabi a pu visiter une « ferme » de saumon bio située au nord du pays, dans le Donegal. Proche de l’Irlande du Nord, cette magnifique région très peu connue des touristes est sans doute l’une des plus sauvages et des plus belles d’Europe.

Il faut rouler une bonne heure depuis la ville de Letterkenny pour atteindre Lough Swilly à l’embouchure du fjord où se trouve l'un des cinq sites de Marine Harvest constitués chacun d’une quinzaine de cages. Celles-ci sont installées en pleine mer de façon à ce que les poissons puissent nager contre le courant (comme ils le font lorsqu’ils remontent les rivières) et se muscler tout en engraissant. C’est là le secret d’une chair ferme et néanmoins fondante. Il y a aussi bien sûr la nourriture constituée d'une combinaison de farine de poisson, d'huile de poisson, de farine de légumes et d'huile, principalement à base de tournesol, de soja et de colza. Tous ces éléments sont strictement bios.

Les granulés sont projetés à la surface de l’eau par une sorte de trompe pivotante à raison d’une fois toutes les trois heures environ provoquant aussitôt un bouillonnement en surface. Il suffit en effet que la trompe se mette en marche pour voir les saumons sauter jusqu’à un mètre au dessus de l’eau comme ils le font dans la nature pour attraper les mouches. De grands filets recouvrent les cages afin de les empêcher  de sortir de leurs bassins mais aussi d’éviter que les oiseaux marins viennent se servir. 

Depuis une plateforme située à proximité des cages, des employés surveillent les saumons 24h/24 grâce à des caméras réparties dans chaque bassin. Cela permet de vérifier que les saumons se nourrissent tous correctement et si certains, encore trop jeunes, peinent à attraper leurs granulés, on les change de cage progressivement.

Une fois qu’ils ont atteint un kilo environ, les poissons sont placés dans des cages plus grandes où leur volume ne doit jamais dépasser 1% de la masse d’eau. Ils y resteront en moyenne 18 mois jusqu’à atteindre leur poids de commercialisation : six kilos environ. Pendant cette période, les saumons nagent l'équivalent de 13 000 km, une distance comparable à celle parcourue lors de leur migration naturelle. 

Péchés et rapidement tués sur le bateau, ils sont ensuite acheminés vers l’usine située à terre et aussitôt débités en filet et même en pavés pour certains clients comme Picard surgelés. Les poissons entiers sont quant à eux immédiatement expédiés vers les grands marchés d’Europe comme Rungis. Il ne se sera écoulé que 3 à 4 jours entre l’abattage et la vente aux restaurateurs.

Positionné comme un produit haut de gamme, le saumon bio d’Irlande est aussi celui qui contient le moins de « chimie ». Aucun antibiotique ne lui est administré sauf en cas de maladie mettant sa vie en danger. Les parasites comme le pou de mer sont combattus non pas à l’aide d’insecticides comme presque partout ailleurs mais grâce à des « poissons nettoyeurs », technique plus délicate à mettre en place mais tout aussi efficace…

L’Irlande pourrait sans doute produire plus de saumon mais le gouvernement, sous la pression des défenseurs de la nature, a décidé d’en limiter volontairement la production. Une décision que ne comprennent pas forcément les entreprises comme Marine Harvest qui serait prête à investir dans de nouveaux sites mais qui permet, au final, de limiter l’impact de ces élevages sur l’environnement et d’assurer à l’Irlande la réputation d’un pays modèle dans ce domaine. 

Rare sur le marché (il ne représente qu’un pour cent de la production mondiale) le saumon bio d’Irlande est considéré comme un produit de luxe et son prix, 20 à 30% plus élevé que le saumon de Norvège, est généralement bien accepté par les consommateurs. Il suffit d’ailleurs de le goûter pour le comprendre.

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